Je vais mourir. Mais je ne regrette rien. Comment, en effet pourrait-on regretter une telle existence ? Souvent même, plus absurde que l'entendement qui en est à l'origine. Et pourtant... Comment puis-je dire froidement que je ne regrette rien ? N'ai-je donc plus aucune sensibilité ? Malheureusement, ma sensibilité est toujours aussi exacerbée, et c'est elle qui me fait souffrir. Enfers, souffrances, damnations, et feux de l'Enfer ! Je brûle sans pour autant me consumer ; un feu qui expose les chairs à vif, sans les réduire en cendres, mais exclut à jamais de la régénération. Ai-je donc si ardemment demandé à servir l'Ange Déchu ? ! Je ne pense pas. A moins de grandement sous-estimer mes capacités de résistance. Une vision encore plus monstrueuse vient de s'offrir à mon cœur : peut-être sont ce les êtres humains dans leur globalité qui sont les porteurs du Flambeau de Lucifer ? Et qu'il n'y ait pourtant qu'un millième de ces derniers, pour avoir la force de se souvenir de ce qu'ils sont, et qui s'efforcent pour le salut, la paix, et le repos si chers qu'ils ont perdu ; prêts à sacrifier la seule vie dont ils ont vraiment conscience, par amour et dévotion envers le souvenir d’une autre qui leur semble plus sereine.
L'existence n'est que souffrance perpétuelle. Plus l'on souffre, et plus l'intuition d'un bonheur perdu, s'avive comme une braise mourante sous le souffle du vent... Ô Ouranos ! Je t'ordonne de souffler jusqu'à raviver ma flamme de son éclat originel, afin qu'à jamais elles parviennent à consumer les chairs trop résistantes de mon être, qui ne consentent à se laisser réduire en cendres, ces chairs immondes et exécrées qui sont à l’origine de toutes les souffrances que j'endure ! Pour qu'enfin je puisse être Libre !
Ô toi, Bête servante de l'Innommable, par tous les Dieux compatissants, je te renie, et te bannis jusqu'aux sphères originelles que tu n'aurais jamais dû quitter, pour le malheur des hommes !!! Qu’oses-tu me dire ? Les hommes eux-mêmes t'ont invoquée !! Qu'importe ! Fuis loin de mon souvenir, et reste là où je t'ordonne de rester ! Par les pouvoirs que me confèrent ma volonté, au nom de tous les hommes bienveillants et bons, obéis-moi ! En gage de bonne volonté, je t’offre ceux qui t'ont appelée, pour en faire ce que bon te semble. Mais va maintenant, et laisse les autres en paix. Tel est mon ordre éternel.
Je ne peux pas mourir encore. Je dois vivre pour ordonner encore et toujours. Je ne vais pas mourir. Je regrette. Je veux mourir. Je ne regrette pas. Je ne peux pas mourir. Je regretterai. Je dois vivre. Je ne peux pas regretter. Je veux vivre afin d’ordonner. Je ne peux plus regretter.