Je suis un être terrorisé, frigorifié, gelé, glacé, cristallisé. Et pourtant, je ne possède pas la pureté du Froid. Seul le Froid peut maintenir en Vie. Une vie pure et sereine qui ne réclame rien qu'une résistance absolue au Froid Infini. Que mon corps s'endurcisse ! Que mon esprit se cristallise vers la Pensée ! Alors, enfin, je connaîtrai le Froid, dans toute sa Sainte Horreur Cosmique : Unique, Totale, Une. Il n'existe pas de mot pour exprimer ce que l'on ne conçoit pas. Et pourtant, les mots me rongent telle la gangrène, affaiblissant la chair. De petits mots qui sont tout aussi petits que notre conscience étriquée. Ce ne sont pas les Mots. Des mots véreux, pourris par des êtres mi-dieux, mi-bêtes. Les mots sont aussi dépourvus de sens intrinsèque que nous sommes bêtes. Nos créations sont aussi viles que nous sommes faits de matière.
La prose me ronge comme le démon avilit le saint prêtre, en se nourrissant de sa moelle substantifique et éternelle. La seule façon de retrouver la liberté dont elle m'affublait est de commander au démon, de le maîtriser ; jusqu'à ce que las, il abandonne cette chair récalcitrante, ou qu'il périsse en persévérant. Voilà pourquoi, je retourne encore et toujours les mots dans tous les sens, à seule fin d'en saisir l'essence profonde. De recouvrer la mémoire que le démon m'a fait perdre pour servir ses finalités mesquines. Démon, je t'inciserai sans cesse, faisant couler l'énergie noire de tes veines, afin de m'en nourrir, comme jadis tu as fait de même avec mon être, jusqu'à ce que tu sois si faible que je sois à même de te bannir hors de moi ; et alors seulement, je t'infligerai le coup de grâce. Ton être se videra de sa dernière substance, et je ne garderai alors de toi, que l'apparence glaciale et démoniaque, afin de tromper mieux les âmes serviles, esclaves de tes pairs. Pour ceux-là, le seul moyen d'éradiquer leur essence virale d'un monde neuf, sera de les sacrifier tous sur l’autel du Bien Commun.