Je suis seul. Et alors même que j’écris, la solitude m'étreint plus grandement encore. Comment des êtres peuvent-ils demeurer sains d'esprit et totalement oublieux de leur condition, lorsqu'où qu’ils posent les yeux, le non-parfait bourbeux s’offre partout autour d’eux, restant béats d'admiration devant l'immense beauté d’une chimère ? Que ne puis-je renier Lucifer, lui qui m'a entraîné dans les flammes à sa suite, pour vouloir apporter la Lumière aux hommes bestiaux, qui ne songent même pas à la chercher ni ne la sentent... Hélas, je ne puis m'y soustraire, briser les chaînes de ma nature qui m'orientent et me guident toujours plus avant vers mon Destin… Plus je le renie, plus je peste, plus je hurle mon indignation et ma souffrance, et plus la flamme rouge et or, que paradoxalement je chéris plus que tout, lèche mon esprit agonisant et pourtant si vif. Ô Maître de tous les temps, de toutes les horreurs et de toutes les souffrances, bannissez une fois encore l'hérétique, livrez-le de nouveau aux flammes du bûcher, elles sont miennes et me réclament !
Ce sont les pures, véritables, et uniques amantes que j'ai jamais eues, et auxquelles seules je jure fidélité sans condition. Car alors que sur n'importe quel quartier de viande rouge et mortelle tant désirée, je laisse errer mon regard meurtri, mes chères et tendres concubines me consument plus avidement, me rappelant combien je les aime et les désire, elles, celles qui l'espace d'un instant, j'avais l’idée d’abandonner, pour des chiennes que je méprise d'avoir tenté de me faire faillir, de me faire rompre les voeux les plus chers que j'ai prononcés, m’engageant ainsi envers les seuls êtres dont je ne puis douter de l’amour que je leur porte.
Puisses-tu ô ma Flamme, ô ma Souffrance, ô mon Esprit, je T'en conjure, me retenir et resserrer les chaînes que je tente de briser, sous peine de révéler la Bête que je suis, et que je tente vainement de chasser, pour enfin être ce que je veux. Un Golem sans Maître est Destruction. Et il ne pourra trouver son vrai Maître qu’à la Fin. Jusqu'à ces temps de bienfaisant et éternel repos, je T'en conjure, ô mon Aimée, rougis les fers de mon sang, par amour pour moi, par amour pour les hommes, et celui que je leur porte.