« J'aime la mort. Comment le leur faire comprendre ? Un plaisir si vif qu'il embrase l'être tout entier, faisant souffrir délicieusement le bras armé, sans pour autant le consumer. Ah, Dieu ! Que ne puis-je te rejoindre pour perpétrer avec toi ces saintes horreurs ! D'un bras, alors que tu pourfends l'impie de ta sainte flèche, de l'autre, tu déverses sur l'éclairé l'eau ruisselante du rameau. Que ne puis-je te servir tout au long de ma vie pour ma paisible et souffrante sérénité d'âme. »
Zari tira une longue bouffée sur sa cigarette, faisant naître une délicate braise rougeoyante et pathétique au sein des ténèbres environnantes, pour expirer ensuite la fumée avec une lenteur délectative, le regard perdu dans l'obscurité, illuminé simplement par la froide et blafarde lueur de l'astre nocturne dans sa pleine mesure.
« La vie est une longue cigarette se dit-il, une fois qu'elle est consumée, il ne reste plus que les traces de nicotine et de goudron, obstruant les alvéoles pulmonaires, pour attester de la mort par cancer du poumon. Quelle que soit la mort, il ne reste que le souvenir de la souffrance maladive qu'engendre l'existence. »
Rebouchant soigneusement son bic noir, après avoir achevé cette dernière phrase de son trente-troisième manuscrit, l'ultime élan, il se leva prestement du banc sur lequel il était assis, et rejoint en quelques rapides enjambées sous un vent froid et cinglant le bord de la falaise. Après avoir pieusement contemplé la lune pendant une bonne minute, le coeur raffermit par sa beauté froide et majestueuse, il s'élança dans le vide aérien, avec la hardiesse de l'aiglon s’essayant à voler.